Proposition de loi visant à créer un corps de fonctionnaire pour les accompagnants d’élèves en situation de handicap
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Déposé le 11/10/2022
Nadège Abomangoli,LFIEn savoir plus
De quoi s’agit-il ?
Mesdames, Messieurs, «En ce matin de rentrée scolaire mon garçon ne s’est pas levé pour prendre le petit‑déjeuner avec son frère et sa sœur! Non, lui il n’a pas école, car il n’a pas d’AESH (…)».
Témoignage issu du rapport de la Défenseure des droits L’accompagnement humain des élèves en situation de handicap publié en 2022 La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a marqué une étape décisive dans la reconnaissance des droits des personnes en situation de handicap, tout particulièrement à l’école. Son article 2 garantit en effet «l’accès de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte handicapé aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie». Un immense espoir est né pour des milliers de familles et d’enfants quinze ans après la signature par la France de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), un texte qui stipulait dans le troisième alinéa de l’article 23 que les États s’engagent à fournir une aide gratuite, chaque fois qu’il est possible, et «conçue de telle sorte que les enfants handicapés aient effectivement accès à l’éducation, à la formation, aux soins de santé, à la rééducation, à la préparation à l’emploi et aux activités récréatives, et bénéficient de ces services de façon propre à assurer une intégration sociale aussi complète que possible et leur épanouissement personnel, y compris dans le domaine culturel et spirituel». Il était temps.
Dix‑sept ans ont passé. Pourtant, chaque année, un nouveau rapport vient confirmer les nombreux témoignages de parents : des enfants en situation de handicap sont encore privés d’école et déscolarisés, totalement ou partiellement, faute d’une aide humaine pour les accompagner. Le 26 août 2022, la Défenseure des droits alerte sur l’accès à l’éducation des enfants en situation de handicap ([1]). En 2021, près de 20 % des saisines relatives aux droits de l’enfant qui lui sont adressées concernent des difficultés d’accès à l’éducation d’enfants en situation de handicap. Or, garantir l’égal accès de tous les enfants handicapés à la scolarité, cela implique « que des moyens suffisants et adaptés soient prévus pour répondre aux besoins de chaque enfant, quel que soit son handicap ». La Défenseure rappelle que « l’État est tenu, dans ses domainesde compétence, de mettre en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes en situation de handicap » et elle ajoute que les « problèmes budgétaires ou (…) difficultés à̀ présenter des candidats aux fonctions d’AESH à l’établissement scolaire, ne saurait libérer l’État de son obligation d’assurer une scolarisation adaptée et effective à l’enfant ».
Dans son rapport remis le 25 juillet 2022, la médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ([2]) fait le même constat et déplore « la difficulté concernant le manque d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ou du moins l’insuffisance des heures allouées à l’accompagnement de l’enfant par rapport aux préconisations de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), ce qui peut conduire à une déscolarisation partielle lorsque son accueil dépend de la disponibilité d’un AESH ». Il est impossible de recenser le nombre d’enfants privés d’école faute d’accompagnantes – car il s’agit essentiellement de femmes - des élèves en situation de handicap (AESH). La Défenseure des droits recommande ainsi de mettre en place des outils statistiques permettant d’appréhender finement les modalités et le temps de scolarisation effectif des élèves en situation de handicap, le temps de présence des AESH, les modalités d’accompagnement mises en place, etc. Elle demande également la mise en place d’indicateurs permettant de suivre, en temps réel, la mise en œuvre des décisions des Maisons Départementales pour les Personnes Handicapées (MDPH) en matière de scolarisation des élèves en situation de handicap.
De même pour les établissements médicaux‑sociaux, pour lesquels nous n’avons pas de données. En 2014, le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe recense 20 000 enfants et adolescents handicapés sans solution éducative en France. Le centre régional pour l’enfance et l’adolescence inadaptée (CREAI) de PACA et Corse a effectué des études sur plusieurs départements entre 2015 et 2017. Dans les Alpes Maritimes, l’indicateur de pression (nombre d’enfants en attente / nombre de places installées) est de 54 %, soient 1068 enfants inscrits sur liste d’attente. Dans les Bouches‑du‑Rhône, ce sont 1 460 enfants sur liste d’attente, soit un taux de pression de 38 %. Selon les départements, les familles peuvent se voient annoncer jusqu’à 6 ans d’attente avant d’obtenir une place en Institut médico‑éducatif (IME). Les associations de familles d’élèves en situation de handicap ont mis en place des outils pour tenter de mesurer le manque d’AESH et ses conséquences. TouPI, une association d’entraide pour les familles et personnes concernées par les troubles cognitifs, a mené une enquête à la rentrée 2021[3] sur la base d’un échantillon de 2 449 répondants. Elle comptait 27% d’enfants en situation de handicap sans AESH et 7 % étaient complètement déscolarisés. L’Unapei[4], mouvement citoyen de 900 000 personnes en situation de handicap, familles, amis, professionnels et bénévoles, a créé un dispositif permettant de produire des données sur la réalité de la scolarisation des élèves accompagnés par les associations de son réseau : sur près de 8 000 élèves scolarisés en milieu ordinaire ou spécialisé 33% ont moins de 6 heures de classe par semaine et 18% aucune heure. Enfin, selon une enquête du SNPDEN‑UNSA, syndicat des chefs d’établissement, publiée le 13 septembre, 44 % des personnels de direction du second degré manquaient d’au moins une AESH pour accompagner leurs élèves au moment de la rentrée. Certains parents choisissent alors de salarier eux‑mêmes une AESH. Des associations proposent par exemple pour 1 141 euros par mois un accompagnement psycho‑éducatif de 16 heures par semaine. Face aux carences du service public de l’éducation, un marché de l’accompagnement privé se développe et génère une rupture d’égalité de fait entre les élèves en situation de handicap, en fonction des revenus de leurs parents.
Comment expliquer les difficultés de recrutement des AESH à l’origine de tant de maux ? La Défenseure des droits y répond : « L’une des premières raisons de la précarité de l’emploi d’AESH est celle de la rémunération et du temps de travail hebdomadaire. Dans les faits, la grande majorité des AESH se voient proposer un contrat de 24 heures/semaine, correspondant à̀ la durée de la scolarisation d’un élève en maternelle et primaire. Ce temps de travail équivaut à 60% d’un temps plein et, dès lors, à une rémunération proportionnelle, soit l’équivalent d’à peu près 800 €/mois». Comment vivre avec ce montant, qui ne garantit même pas aux travailleurs des revenus au‑dessus du seuil de pauvreté ? Les AESH sont à plus de 90 % des femmes. Cet emploi est sous‑rémunéré car, à l’instar de nombreux métiers du soin, il est considéré comme « féminin ». De plus, les AESH subissent un temps partiel imposé car il est impossible d’effectuer un temps de travail hebdomadaire de 39h sur le temps scolaire. Ce calcul du temps de travail qui comptabilise uniquement le temps avec l’élève invisibilise tout le travail pourtant indispensable des accompagnantes : formation, concertation avec l’équipe pédagogique et l’ensemble des intervenants et intervenantes, adaptation des supports pédagogiques… Comme dans d’autres secteurs dits féminins, les AESH sont contraintes de multiplier les emplois pour augmenter leurs revenus. Les accompagnantes effectuent des heures de garderie le matin, puis le midi lors du repas des élèves et enfin le soir à nouveau. Ils peuvent travailler 12 heures de suite, quasiment sans aucune pause, pour un salaire qui n’atteint pas le SMIC.
La mise en place des Pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) a également considérablement dégradé leurs conditions de travail en les obligeant à intervenir dans plusieurs établissements dans la même journée, parfois auprès de 4 à 5 élèves en même temps. Les temps de trajet entre les différents lieux d’exercice, le coût de ces déplacements, en particulier en milieu rural, ont aussi détérioré leur situation en terme de pénibilité comme de budget. Il est temps qu’enfin la valeur sociale de leur travail soit reconnue. Une fois cet état des lieux dressé, nous avons identifié trois volets d’action.
Premièrement, l’instabilité professionnelle liée au statut même des AESH. Les accompagnantes sont contraintes actuellement d’effectuer deux CDD de trois ans, soit six ans de contrat précaire, avant d’obtenir éventuellement un CDI. Pourquoi ces personnels sont‑ils contractuels alors qu’ils effectuent des missions pérennes au sein de l’Éducation nationale ? Les besoins d’enseignants varient en fonction de la démographie, pourtant ils sont heureusement encore en très grande majorité fonctionnaires. Il n’y a aucune raison justifiant le refus de créer un corps de fonctionnaires pour les AESH comme le demandent les syndicats. Nous proposons donc dans cette proposition de loi de créer un nouveau corps de fonctionnaires de catégorie B. Deuxièmement, les salaires des AESH sont extrêmement bas et les maintiennent dans la précarité. Nous proposons qu’un temps plein corresponde à un service de 24 heures, soit la durée hebdomadaire pendant laquelle un élève de primaire est scolarisé. Le temps de travail invisible pourra ainsi être pris en compte.
Troisièmement, le manque de formation est à la fois source de difficultés pour les AESH qui ne parviennent pas à accompagner les élèves de façon satisfaisante et pour les élèves eux‑mêmes. Nous proposons dans cette proposition de loi que les AESH actuellement en poste soient nommées fonctionnaires stagiaires et accomplissent un stage d’un an. Au cours de leur stage, ils bénéficient d’une formation organisée par un établissement d’enseignement supérieur, visant l’acquisition des compétences nécessaires à l’exercice du métier. Cette formation alterne des périodes de mise en situation professionnelle dans un établissement et des périodes de formation au sein de l’établissement d’enseignement supérieur. Elle est accompagnée d’un tutorat et peut être adaptée pour tenir compte du parcours antérieur des fonctionnaires stagiaires. Une formation solide et une entrée progressive dans le métier permettra aux nouvelles et nouveaux AESH d’effectuer leurs missions dans de bonnes conditions. L’article 1erprévoit la création d’un corps de fonctionnaire pour les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). Il prévoit également la titularisation des AESH en poste dans les établissements scolaires du premier et du second degré au 1er septembre 2022. Un décret fixera les obligations de service et les missions des AESH. Il précisera que les AESH sont tenues d’assurer, sur l’ensemble de l’année scolaire, un service d’accompagnement de vingt‑quatre heures hebdomadaires auprès des élèves sur le temps scolaire.
La position des autres citoyens
Le commentaire le plus récent
Faut surtout faire en sorte que l'école arrête d'être une fabrique de crétins
Le TOP commentaire CONTRE
Vous ne pensez pas qu'en France il y a trop de fonctionnaires ? Non pas question ! Encore et toujours plus d'impôts !
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